Une nuit à l'auberge du Vieux Cabot

Dans l'auberge misérable de la vieille ville, Celyan veillait sur Elyzabeth. Auberge dont le nom aurait fortement déplu à Duncan, si celui-ci avait su lire. Sa jeune maitresse avait finalement terminé ses taches de ménagère et s'était lovée dans les draps troués par les mites dans un confort plus que sommaire, Duncan a ses pieds. Plus confortable que de dormir par terre dans le froid certainement, mais pas forcément plus sain. La pièce glauque se contentait du minimum d'ameublement, dans un espace étroit et poussiéreux, qui invitait à récupérer les poux et la tuberculose des clients précédents.

Encore une fois le plancher de l'étage grinça et Celyan s'immobilisa, sur le qui-vive, comme une enfant qui guette le monstre tapi dans l'ombre. Mais la jeune rouquine guettait plutôt des pas, ou quoi que ce soit qui veuille se faire discret en s'approchant de la porte fermée. Duncan agita une oreille au bruit, mais après plusieurs minutes entières de silence, il fallait se rendre à l'évidence : ce n'était que le bois des poutres et charpentes qui travaillait.

Il n'y avait d'ailleurs presque aucune raison de craindre une attaque ou une visite surprise ce soir-là, mais "presque" était suffisant pour que la paladin décide de rester à proximité de son amie. Khalal avait été parler d'elles et révéler leurs noms à un vieil ennemi, sans justification, et ce pouvait les mettre en danger. Bien que le dénommé Therod sembla être un vieillard, Celyan savait qu'il n'y avait rien de plus fourbe que les apparences et les faux-semblants, et que paraitre sans défense était encore le meilleur moyen de surprendre les adversaires pour retourner la situation en sa faveur. Oui, elle était méfiante. Peut-être paranoïaque. Mais elle ne se pardonnerait pas s'il arrivait malheur à Elyzabeth.

Une vie insouciante et calme pouvait sombrer en désespoir et captivité, juste parce qu'on se trouve au mauvais endroit, au mauvais moment. La paladin le savait parfaitement et ne permettrait pas qu'Hurlevent détruise son amie comme elle l'avait détruit à l'époque. En restant immobile sur le sommier pour ne pas réveiller Elyzabeth par de nouveaux craquements de bois, la rouquine resta à réfléchir à ce qu'il s'était passé, le regard perdu dans la contemplation du plafond en partie rongé par l'humidité et les champignons.

La tension avait chargé l'air d'un coup mais Khalal n'avait pas semblé perturbé plus que ça devant la réapparition d'un ancien opposant. L'autre attendait un châtiment ou une punition de la part du druide. Stupide. Khalal n'aurait jamais levé la main sur quelqu'un en plein Hurlevent, qu'importe combien il pouvait en avoir envie. L'autre semblait s'attendre à ce qu'il le tue sur place, avec tous les gardes autour et les badauds. Khalal l'avait simplement remis à sa place et avertit visiblement. Mais par tout ce qui est sacré, Khalal ne pouvait-il pas simplement congédier l'elfe aux cheveux blancs d'un simple "déguerpis et que je ne te revois jamais" ? Non, au lieu de ça monsieur avait soudain eu l'envie de présenter les deux humaines. Pourquoi pas aller boire un thé tous les quatre tant qu'on y était et papoter de nos vies ?

Le savoir est pouvoir rappelait souvent Dorian. Evidemment que les informations sont importantes. D'autant plus après les ventes récentes, le nom de Celyan était un peu plus connu qu'avant. Qu'est-ce qui pouvait justifier qu'il passe des menaces et regards noirs aux présentations courtoises ? Therod l'avait-il manipulé ou influencé magiquement par quelque façon que ce soit ou bien était-ce juste une erreur de Khalal ?